TROVAORES ou l’esprit des rencontres… Parfois « le hasard est un mode de causalité dont on ignore les lois ». J’ai oublié qui est l’auteur de la formule, mais elle convient parfaitement à ce concert-spectacle. C’est, en effet, d’une rencontre presque fortuite avec Antonio Placer dans les rues de Grenoble que naît cette expérience musicale qu’est la Trova flamenca. Je connaissais bien l’univers artistique et poétique de ce Galicien du Dauphiné, comme il aime à se présenter. Depuis longtemps, je voulais l’emmener vers un territoire qui lui semblait étranger – le flamenco-, mais avec lequel sa musique pouvait dialoguer dans un échange artistiquement riche de promesses. Les styles flamencos traditionnels, notamment la Farruca, dont Antonio Placer partage les origines galiciennes, ou encore la Malaguena, servies par sa voix profonde et pure prendraient une dimension nouvelle et inattendue. Inversement, les compositions d’Antonio Placer, ses mélodies et la poésie de ses paroles, portées par la voix jonda et subtile de Javier Rivera et les arrangements flamencos de Pablo Suarez et de « Canito », se teinteraient d’une couleur plus méridionale, plus andalouse. Donner consistance à ce projet fut un cheminement heureux, rempli de moments d’une grande richesse artistique et humaine. En particulier, lors de l’inoubliable résidence dans la maison d’été de Federico Garcia Lorca à Valderrubio, près de Grenade, où la présence du poète est encore si vivace et si suggestive. Le talent et la générosité de cet immense musicien qu’est « Canito », firent le reste. Et pour couronner le tout, la chance de pouvoir compter sur la collaboration de ce merveilleux danseur et chorégraphe qu’est Abel Harana. TROVAORES est donc l’histoire d’une série de rencontres. Celle du flamenco le plus essentiel aux sonorités du jazz et de la chanson d’auteur au cœur des montagnes enneigées de Grenoble et de Grenade. Celle de sept artistes prenant un immense plaisir à se retrouver ensemble sur scène pour créer une histoire musicale et la partager avec le public. L’ensemble apporte ainsi au spectacle une respiration et un rythme où chaque pulsion est un tribut à une profonde énergie syncrétique.

Antonio Placer et Jean-François Carcelén

La technique du « trouvère » et du « troubadour » naît de la langue, du discours, de l’empreinte et de l’art. Ainsi surgit TROVAORES, du dialogue de langues différentes, de l’assemblage de la diversité des cultures, des styles et des formes, dans une volonté tenace où les âmes-sœurs se retrouvent au cœur de leurs musiques. Tout cela, sublimé par l’instrument primordial et primitif : la voix. Nominé aux Victoires de la Musique 2022 en tant que « meilleur artiste masculin », Antonio Placer extériorise sur scène toute sa passion. Il a la sincérité d’un Jacques Brel, la colère d’un Léo Ferré et la passion révolutionnaire d’un Jean Ferrat. C’est depuis plus de 25 ans déjà que son chant de tragédien frémissant embarque le public des scènes de France et d’ailleurs : ses mots et sa présence bouleversent et prennent aux tripes….

Au cœur des montagnes enneigées de Grenoble et de Grenade, le spectacle musical TROVAORES est le fruit d’un croisement ardent entre plusieurs musiques d’où s’échappent des accents flamencos mêlés à des consonances jazz, sous la forme de chansons, de rythmes et de danses dont la finalité donne naissance à un art musical à la fois traditionnel et coloré de modernisme, baptisé « Trova-Flamenca ». Une histoire musicale faite de normes et de transgressions, ventilée en sept tableaux, sept sonates qui évoquent l’union des improbables, lorsque le « Duende » (qui signifie en flamenco comme en corrida, l’engagement d’un individu qui ne triche pas avec ses émotions pour atteindre à une expressivité extrême, mais aussi le charme, l’envoûtement, la possession spirituelle ou amoureuse) l’oblige, tout en retenue, et que l’émotion s’impose… Sur scène, quatre artistes prennent plaisir à se retrouver pour créer une histoire musicale : deux voix rugueuses, vibrantes, profondes, complémentaires et contrastées, soutenues par des musiciens hors pair provenant d’horizons divers, sorte de passerelle entre les Suds d’ici et d’ailleurs. Ainsi, ils croisent deux univers artistiques et poétiques qui imposent l’émotion. On passe alors du flamenco le plus essentiel aux sonorités du jazz ou de la « Trova » poétique hispanique comme galicienne. Entre respiration salvatrice et rythme incandescent, la virtuosité du guitariste, le timbre envoutant des deux chanteurs et l’intensité d’un danseur de flamenco dont les moindres gestes sont habités par la musique de son âme, nous emportent progressivement, mais surement, dans une spirale où le chant, la danse et la musique fusionnent dans une symbiose exceptionnelle. TROVAORES ce sont des textes embrasés, d’une puissance rageuse et d’une force intense, dans une mise en scène fougueuse et une interprétation enflammée, terriblement habitée, avec une musicalité puissante et une chorégraphie parfaitement incarnée. Le quartet de musiciens véritablement virtuoses, propose un spectacle d’une merveilleuse originalité et d’une force rare. C’est l’âme des « sons noirs » et l’esprit des rencontres. Un pur moment de grâce, une merveille de poésie, de beauté et d’émotion : une rencontre au sommet… »

Antonio PLACER (chanteur, auteur-compositeur)

Nominé aux Victoires de la musique 2022, chanteur, musicien, poète, compositeur, arrangeur, Galicien exilé en France, Antonio fabrique une musique du monde et des chansons façonnées par les différents vents qui l’ont porté tout au long de son parcours… Autodidacte, sa musique est directement rattachée à l’école de la vie. Difficilement classable… Il ne fait ni du flamenco, ni du jazz, ni du fado, ni du tango, ni de la musique classique. Sa musique est vivante, poétique, ni tout à fait hispanique, ni tout à fait française. Elle est le fruit des différentes cultures qui l’habitent. Son art est avant tout la scène qu’il investit de sa présence généreuse et engagée. Il a composé plus de 20 créations originales sur les scènes nationales et internationales de plus de 30 pays. Il a offert ainsi plus de 300 chansons au public de tous les continents. Il a publié 13 disques. Son œuvre poétique est publiée dans plusieurs pays et écrite en quatre langues différentes.

Javier RIVERA (chanteur flamenco, palmas)

Javier Rivera (Sevilla, 1975) est un cantaor solide et profond qui s’est initié au cante dès son enfance. Formé auprès de grands maîtres tels que José de la Tomasa ou Naranjito de Triana, notamment à la Fondation Christina Heeren à Séville, il se produit sur les scènes les plus prestigieuses (Biennale de Sevilla, Festivals de Jerez, Nimes Mont de Marsan…) accompagnant des danseurs tels que Isabel Bayón, Pastora Galván, José Galván, Javier Barón … En 2003, avec Rafael Campallo , il se produit au Metropolitan Museum de New York. Il se lance en parallèle dans une solide carrière de soliste, obtenant plusieurs prix et se consacre à l’enseignement du cante flamenco notamment au Conservatorio “Cristóbal de Morales” (Sevilla) et à la Fondation Cristina Heeren.

Juan-Antonio SUAREZ dit « Canito » (guitariste)

Lauréat aux Victoires de la musique 2021, Juan Antonio Suárez (Canito) a participé, grâce à sa relation profonde avec les racines gitanes traditionnelles de l’Extremadure et de l’art flamenco, au renouveau de ce mouvement artistique. Son talent naturel, appuyé par une formation approfondie, l’ont transformé en un grand guitariste et compositeur. Il a débuté en 1990 au Palau de la Música de Barcelone avec la danseuse Flora Albaicín et a accompagné les grandes étoiles de la danse flamenco comme Manuela Carrasco, Merche Esmeralda, Sara Baras, Javier Barón, Isabel Bayón, Andrés Marín, entre autres. Il a composé des œuvres musicales pour le scénographe Francisco Suárez et a collaboré aux enregistrements d’artistes prestigieux comme Rafael Jiménez Falo, Gerardo Nuñez… En 2008, il a enregistré son premier disque, Son de ayer. En 2010, il a publié son disque Flamenco Crossover. Il

a aussi travaillé avec le réalisateur Carlos Saura.

Abel HARANA (danseur flamenco, palmas)

Abel Harana commence très tôt dans le monde du flamenco et se forme auprès de José Antonio Benítez (membre de la compagnie d’Antonio Gades), Ana María López, Joaquín Grilo, Domingo Ortega, Antonio Reyes… À 18 ans, il obtient le premier prix de danse du Concours National “Noches de Bajo de Guía”. Il acquiert de l’expérience dans les nombreux tablaos de Madrid, Barcelone et Séville. Il parcourt le monde avec les compagnies de Rafael de Córdoba, José Porcel, María Pagés, Pepa Montes y Ricardo Miño… Il intègre le Ballet Flamenco d’Andalousie dirigé par Cristina Hoyos. En 2010, il présente le spectacle Memoria Antigua dans le cadre du XIVe Festival de Jerez avec la danseuse de Jerez Patricia Ibáñez. Invité par différents artistes internationaux, Abel se produit en France, Belgique, au Luxembourg, mais aussi à Tokyo, Dubai, au Qatar. Il est aussi soliste pour la compagnie “Puerto

Flamenco” en tournée à Malte, en Norvège, Nouvelle Zélande et Nouvelle Calédonie. Avec son spectacle Memoria Antigua, il parcourt les Etats Unis, New York, Chicago… Il rejoint la compagnie d’Andrés Marín dans le spectacle D.

Quixote lors d’une tournée en France et à la Biennale de Séville.

Jean-François CARCELEN (idée originale et co-directeur artistique)

Issu d’une famille d’exilés républicains espagnols, Jean-François Carcelén est professeur de littérature espagnole contemporaine à l’Université de Grenoble. Spécialiste du roman espagnol actuel et de flamenco, il est aussi traducteur et conférencier. Il a notamment traduit José Ángel Mañas, Montero Glez, Ramón Gómez de la Serna, Maruja Torres, Roberto Arlt et Andreu Martín. Auteur de nombreux travaux, en particulier lié aux rapports histoire, mémoire et fiction, il a notamment publié l’ouvrage Témoignage et fiction dans l’Espagne contemporaine en 2012. Il s’intéresse depuis longtemps au flamenco auquel il a consacré plusieurs travaux. Co-fondateur du festival Les voix du Cante flamenco à Grenoble en 1999, il a collaboré aux créations du danseur et chorégraphe Andres Marín. Il est aussi co-auteur, avec la danseuse Concha Vargas, de la conférence spectacle Il était une fois Concha, sur

la transmission du flamenco dans les familles gitanes présentée à la Cité de la Musique à Paris en 2013 et au Festival de Arte Flamenco de Mont-de Marsan en 2014.